[Descente d'eaux pluviales de la rue du Petit-David]

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localisation Bibliothèque municipale de Lyon / P0759 FIGRPT0613 01
technique 1 photographie positive : tirage noir et blanc ; 20 x 15 cm (épr.)
historique Les chats de gouttière devront draguer ailleurs. Leur terrain de chasse préféré, le royaume des gouttières et descente d'eau en tous genres s'ouvre à l'art. En voulant redorer le blason des descentes d'eaux pluviales - ou plus exactement celui de "dauphins" en fonte qui les protègent à hauteur d'homme - Pont-à-Mousson S.A., grand producteur de canalisations fonte et autres plaques d'égouts comme chacun sait, s'est lancé dans une opération on ne peut plus sérieuse et... riche d'enseignements. Première leçon : le monde parfois si ingrat de l'industrie de grande série peut faire plutôt bon ménage avec celui, à l'apparence plus sympathique, de l'art. Mars 1986. La direction commerciale du secteur bâtiment de Pont-il-Mousson S.A. veut redynarniser son image de marque qui, il est vrai, n'a rien à priori de très poétique. Où peut se nicher la poésie, le beau dans ces kilomètres de conduites d'évacuation d'eau ? Des conduites qui nous ont plus habitués à leur rôle de pissotières pour chiens qu'à remplir une fonction esthétique dans le paysage urbain... Des verrues dans la rue, les gouttières? On allait voir ce qu'on allait voir. Pont-à-Mousson, décidément ouvert à tout, allait lancer le pari. En faisant un appel du pied aux architectes, artistes, décorateurs de tous poils de la région Rhône-Alpes, Lyon étant choisi comme terrain d'expérimentation. Les choses devaient aller très vite : lancement en mai 1986 du concours "Architecture et fonte", soutien du service départemental de l'architecture, de la municipalité et surtout accueil favorable des architectes et des artistes régionaux dont 35 sur 85 (au tout départ) vont très vite soumettre un projet léché. Fin mai, tout est joué, le lauréat désigné. Et l'avenir des gouttières en voie d'être particulièrement modifié. Un constat s'impose : les conduites d'évacuation des eaux pluviales inspirent tout particulièrement les spécialistes du décor urbain. Constat qui s'étale en 35 tableaux, au Théâtre des Ateliers, rue du Petit David, et surtout grandeur nature le long des façades même de cette minuscule rue. Avec évidemment l'accord des riverains et des monuments historiques, la sombre ruelle s'est transformée en salle d'exposition permanente pour le lauréat du concours, l'architecte lyonnais Pierre-Henri Bernard. Un Pierre-Henri Bernard qui peut être fier de lui. Non content d'empocher le 1er prix, soit 15.000 francs, il va changer en 18 mois maximum le look, des gouttières hexagonales, voire européennes. Les grotesques, têtes de lion, de chien, ou de poisson qui lui ont valu les faveurs du jury surtout partout plus adaptable par Pont-à-Mousson qu'à proprement parler original, le projet Bernard sera commercialisé très rapidement et entrera à part entière dans la gamme complètement rénovée de Pont-à-Mousson. Outre ces têtes primées, le concours "Architecture et fonte" a engendré les projets les plus insolites. Drôles, poétiques. Irréalisables la plupart du temps sur le plan industriel, ils affichent pour certains un charme, un humour encore au sens pratique déterminant. On se prend à rêver. A des rues revues et corrigées par des gouttières - cocotiers très Club Méd : "Sous les pavés la plage", l'un des projets les plus originaux, avec peut-être les conduites fluo courant dans tous les sens, et celles qui changent de couleur... avec le temps, ont montré que l'univers plutôt ingrat des gouttières possède un pouvoir d'évocation indéniable. Les références vénitiennes pour des "colonnes" moulées comme les pieux d'amarrage des gondoles bien connues (Allne Gazzola, 2e prix), la symbolique très asiatique d'adorables... têtards qui grimpent, qui grimpent sur les conduites, l'utilisation du facteur eau pour l'irrigation de vasques à fleurs lumineuses (Hubert Balsan, prix spécial de l'innovation), la transformation des conduites en cariatides de bandes dessinées (Philippe Guinot, 2e mention spéciale jury), sont autant d'exemples. Même si, c'est vrai, beaucoup de concurrents ont travaillé sur le rajout, par feuille de vigne ou autres apports de couleurs, nettement moins originaux... Les sceptiques pourront toujours aller faire leur jogging rue du Petit-David. Avec ses gouttières repensées par Bernard, elle est l'illustration choc de ce que peut être une collaboration ouverte entre industriels et hommes de l'art. Les gouttières y trouvent une autre dimension, en s'intégrant de façon très contemporaine à la réhabilitation d'un quartier ancien. Le quartier y a visiblement trouvé son compte. Pont-à-Mousson signe ici une opération promotionnelle menée de main de maître. Seuls, peut-être, les chats, et les chiens, n'y retrouvent plus leurs petits... Source : "Un art de gouttière" / Sophie Mandrillon in Lyon Figaro, 28 octobre 1986, p.34.
note bibliographique "Architecture et mécénat... La fonte des pluies" in Lyon Matin, 20 mars 1986. - "Le concours des belles gouttières" in Le Progrès de Lyon, 21 mars 1986. - "Grotesques et lotus sur les gouttières" in Le Progrès de Lyon, 3 juin 1986. - "L'art descend dans la rue" / Aline Duret in Lyon Matin, 4 novembre 1986.

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